Une nouvelle méthode pour suivre la transition climatique dans le luxe
Le secteur du luxe, longtemps perçu comme éloigné des questions environnementales, est aujourd’hui à l’avant‑garde de la lutte contre le changement climatique. Confrontées à la pression croissante des consommateurs et des régulateurs, les grandes maisons de mode et de maroquinerie cherchent à mesurer et piloter leur empreinte carbone avec la même rigueur qu’elles appliquent à la qualité de leurs créations. C’est dans ce contexte que l’initiative Accelerating Climate Transition (ACT) a mis au point ACT Fashion, une méthodologie collaborative qui transforme la manière dont ces entreprises évaluent et communiquent leurs progrès en matière de climat.
Un outil collaboratif pour évaluer l’impact climatique
Lancée au début de 2025, la méthodologie ACT Fashion repose sur un partenariat entre ONG, cabinets de conseil et grands acteurs du luxe — parmi lesquels Chanel, LVMH, Kering ou encore Hermès. Plutôt que de laisser chaque maison définir ses propres indicateurs, ACT Fashion propose un cadre commun afin de « cartographier les émissions » directes (Scope 1), indirectes (Scope 2) et liées à l’ensemble de la chaîne de valeur (Scope 3). Cette harmonisation garantit une comparabilité des résultats et un partage de bonnes pratiques.
Au‑delà du chiffrage, l’outil permet aussi d’évaluer la cohérence et l’ambition des plans de transition au regard des objectifs de l’Accord de Paris. Les maisons soumettent leurs données à un organisme tiers qui vérifie l’intégrité des chiffres, puis restitue un rapport standardisé, clair et accessible. Grâce à cette démarche, les équipes R&D et développement durable peuvent suivre leurs progrès mois après mois, en identifiant rapidement les écarts entre les ambitions affichées et la réalité opérationnelle.
Cinq axes structurant la transition
La force d’ACT Fashion réside dans son approche holistique, structurée autour de cinq axes complémentaires.
1) Investissements dans les matériaux
Le premier volet porte sur l’éco‑conception : chaque maison doit préciser la part de ses achats de matières premières responsables (cuirs certifiés, fibres recyclées, métal issu de circuits traçables). L’objectif est de réduire dès la phase de sourcing l’impact carbone et la pression sur les ressources naturelles.
2) Objectifs climatiques
Les entreprises formulent des cibles chiffrées (par exemple, -30 % de Scope 1 et 2 d’ici à 2030), qu’elles révisent chaque année selon les progrès constatés et les avancées technologiques. Cette flexibilité garantit un alignement permanent avec les dernières recommandations scientifiques.
3) Engagement des fournisseurs
Plus de 70 % des émissions du luxe proviennent de la sous‑traitance et de la production en amont. ACT Fashion incite donc les maisons à collaborer étroitement avec leurs fournisseurs, en imposant la remontée de données sur la consommation d’énergie, l’utilisation d’énergies renouvelables et les pratiques de gestion des déchets.
4) Actions passées et en cours
Chaque marque dresse un inventaire détaillé de ses initiatives : installation de panneaux solaires dans les ateliers, passage à des véhicules de livraison électriques, recours à la réparation et à la revente de seconde main. Cette transparence permet de mettre en évidence les leviers les plus efficaces et d’accélérer leur déploiement.
5) Cohérence globale
Enfin, il s’agit de garantir que l’ensemble des actions soit aligné avec les engagements internationaux, notamment l’Accord de Paris et les recommandations du GIEC. Les rapports ACT Fashion incluent désormais un « indicateur de cohérence » qui évalue la crédibilité globale de la stratégie climat de chaque maison.
Vers plus de transparence et d’efficacité
La mise en place d’un protocole de vérification indépendante est sans doute la nouveauté la plus marquante d’ACT Fashion : jusque‑là, les marques publiaient leurs chiffres en auto‑déclaration, suscitant parfois le scepticisme des ONG et des consommateurs. Désormais, la fiabilité des données est garantie par des audits, renforçant la confiance dans les rapports RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises).
De plus, cette transparence partagée encourage une concurrence vertueuse : les maisons peuvent comparer leur performance à celle de leurs pairs et s’inspirer des meilleures pratiques. Les premières expérimentations ont déjà permis à certains acteurs de réduire jusqu’à 15 % de leurs émissions Scope 3 en moins d’un an.
Impacts attendus et perspectives
À court terme, on observe une accélération des initiatives circulaires, avec un développement massif des offres de réparation et de remise à neuf. À moyen terme, la traçabilité renforcée devrait conduire à une réduction significative des émissions indirectes liées aux transports et à la sous‑traitance, ainsi qu’à une optimisation des chaînes logistiques. Sur le plan commercial, les maisons bénéficieront d’un renforcement de la confiance des consommateurs — particulièrement parmi les jeunes générations — et d’une meilleure attractivité vis‑à‑vis des investisseurs socialement responsables.
La méthodologie ACT Fashion marque une évolution majeure pour le secteur du luxe, en démontrant qu’excellence et responsabilité sont désormais indissociables. En adoptant ces outils, LVMH, Chanel, et leurs homologues montrent la voie vers un futur où le prestige d’un objet se mesure aussi à son impact sur la planète. Le luxe de demain se construira sur cette alliance entre tradition, innovation et courage climatique.
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